N° 1
OCTOBRE 1997

SIGNAL/BRUIT

Lire "Signal sur bruit" C'est bien !

Feuille de liaison des utilisateurs de matériel d'exploration otoneurologique
MUMEDIA


Sommaire des articles:

  1. Avant-propos Docteur Martine OHRESSER
  2. Signal / Bruit : Pourquoi ? Docteur Michel TOUPET
  3. Vous avez dit GBM ? Jean-François MOTSCH
  4. Etes-vous équipé d'un modem sur votre machine MUMEDIA ? Michel Toupet interroge Alain Van Malderen sur cette extension.
  5. Le point sur l'échantillonnage Michel Toupet interroge Pierre Vande Pitte.
  6. De nombreux praticiens estiment que l'apport diagnostique de l'analyse des saccades et de la poursuite oculaire chez les patients souffrant de troubles de l'équilibre est très faible. Christian Van Nechel est l'un des meilleurs spécialistes de la question. Signal/Bruit l'a interrogé pour vous.
  7. Les potentiels évoqués auditifs précoces : une nouvelle technique d'analyse Amine NAIT-ALI
  8. Présentation de l'équipe TSIM Olivier ADAM Patrick et KARASINSKI
  9. MUMEDIA sur INTERNET Alain VAN MALDEREN

 

Avant-propos

Ce journal veut être un forum d'échange pour tous les utilisateurs du matériel d'exploration fonctionnelle otoneurologique MUMEDIA. Il sera aussi ce qu'en feront ses lecteurs : vous avez des cas cliniques intéressants, vous avez été confronté à un problème technique, écrivez-nous.

Vous avez envie de poser des questions techniques aux concepteurs de ces logiciels, des questions cliniques aux utilisateurs chevronnés, écrivez-nous. Tout le monde sera intéressé de partager votre expérience et tout le monde sera intéressé par les réponses à vos questions. Ces colonnes sont ouvertes à tous.Où écrire : MUMEDIA scrl, Avenue des Myrtes, 25 bte 10, 1080 Bruxelles- Belgique. Ce journal paraîtra quatre fois par an, il sera rythmé par la vie du club VNG/PEA et en sera le complément. Prochain tirage : janvier 1998.

Nous recevrons vos textes, vos questions, vos remarques jusqu'au 1er décembre 1997. Ce premier numéro est aussi un numéro de présentation pour que vous fassiez notamment connaissance avec les équipes qui ont mis au point les logiciels de VNG/PEA que vous utilisez, pour la VNG l'équipe MUMEDIA, pour les PEA le département Traitement du Signal de l'Université Paris 12. Vous pourrez par la suite les interviewer à travers ces pages ou les rencontrer lors des réunions du club.

Docteur Martine OHRESSER

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Signal / Bruit : Pourquoi ?

Le rapport signal sur bruit est le rapport entre le signal -le signe, le message l'information utile- et le bruit- le parasite, le brouillage, le non message, la non-information. Quand la quantité de signal augmente, le rapport signal/bruit augmente ; quand le bruit augmente, le rapport signal/bruit diminue. Tout travail de reconnaissance d'un signal passe par cette distinction : quel est le message ? Et quel est le non-message ? C'est aussi de cette manière que le système nerveux central traite l'information sensorielle. Lorsqu'on guette quelqu'un, lorsqu'on attend un appel téléphonique, lorsqu'on surveille une touche à la pêche à la ligne ou le frémissement annonciateur d'un gibier, ou les signes avant-coureurs d'un orage, toute notre attention va vers cette discrimination entre le signal et le bruit.

Le recueil des potentiels évoqués, qu'ils soient visuels, auditifs ou somesthésiques, nous a tous plongés dans ce problème technique difficile : comment augmenter la valeur du signal (électrodes et contacts de qualité, placement judicieux de ces électrodes), diminuer la valeur du bruit (immobilité du patient, relaxation musculaire, silence extérieur, faible information visuelle, pour mettre au repos le système nerveux central, éloignement des sources de signaux parasites). Quand le rapport signal/bruit est élevé, l'identification des ondes est facilitée et le seuil de reconnaissance s'abaisse. Signal/Bruit pourrait être aussi la métaphore de notre sémiologie médicale quotidienne.

Le bruit de fond est constitué des plaintes exagérées et des faux signes du sujet hypocondriaque, anxieux, dépressif ou encore très âgé. Cette feuille de chou s'intitulera modestement mais clairement : Signal/Bruit pour traduire l'inlassable tentative d'être plus clair, plus intelligible, plus près du but. Voici son émergence.

Docteur Michel TOUPET

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Vous avez dit GBM ?

C'est un drôle de nom - Signal / Bruit - pour une feuille de chou ! Encore que pas mal de mes collègues universitaires vont s'imaginer qu'il s'agit d'une nouvelle revue, truffée de formules compliquées empruntées au Traitement du Signal. Naturellement, ils se trompent. Ouf pour eux, les Jasa, IEEE et autres Signal Processing n'ont rien à craindre. Quant aux médecins, certains seront peut-être tentés de commettre la même erreur en pensant à la lecture difficile de Nature ou du Lancet. Est-il utile d'écrire qu'il ne s'agit pas de cela ici ? Les concepteurs de cette feuille de chou expliquent ailleurs dans ce numéro leurs objectifs, avec modestie et enthousiasme.

Signal / Bruit me semble être une manière astucieuse de traduire l'un des aspects de ce que l'on appelle le GBM (Génie Biologique et Médical). Ce sigle - que personnellement je ne trouve pas particulièrement heureux - veut traduire le domaine de coopération qui peut exister entre les sciences de l'ingénieur (dites SPI) et, pour l'essentiel, le monde médical.

Je connais des thèses scientifiques à vocation GBM que je considère malheureusement comme "lettre morte" car leurs résultats, bien qu'intéressants, ne sont appliqués dans aucun cabinet médical ou service hospitalier. La coopération avait bien commencé mais elle a mal fini. Je pense qu'il existe au moins deux raisons à cela. Il est indispensable que le médecin - l'utilisateur final du produit GBM - participe non seulement à l'élaboration de celui-ci mais qu'en retour il puisse également influer sur ses modifications ou évolutions. C'est l'un des buts de Signal / Bruit. Ensuite la participation d'un industriel, motivé et compétent, est nécessaire au succès d'un projet GBM. C'est le cas de Signal / Bruit.

Quant à mon équipe de recherche et moi-même, avec l'aide d'autres collaborations scientifiques, nous essaierons de faire de notre mieux. Il y a maintenant longtemps que je rencontrais Martine Ohresser et Michel Toupet dans le service ORL de l'hôpital Lariboisière à Paris, alors dirigé par le regretté P.Pialoux. C'est sous l'impulsion de G.Freyss que nous avons pu commencer à fabriquer du GBM et rencontrer des maîtres de la chose comme J.Max ou A.Oury.

Aujourd'hui, la MST (Mission Scientifique et Technique) de l'enseignement supérieur, conseillée par le CNRS, intime le laboratoire auquel j'appartiens de recentrer ses thématiques autour du GBM. Pour la rassurer, je me propose de lui envoyer une proposition d'abonnement avantageuse à Signal / Bruit.

Jean-François MOTSCH

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Etes-vous équipé d'un modem sur votre machine MUMEDIA?

Michel Toupet interroge Alain Van Malderen sur cette extension.

A.V.M : Avec l’arrivée sur le marché des machines multimédia et la large diffusion des accès Internet, pratiquement tous les ordinateurs sont équipés aujourd’hui d’un Modem. Cet appareil permet, par l’intermédiaire d’une ligne téléphonique, l’échange d’informations entre des machines installées sur des sites différents, avec des vitesses de transfert de plus en plus élevées.

C’est donc un périphérique très puissant dont MUMEDIA a essayé, depuis le début de ses activités, de tirer un grand parti. Nous voulions créer un lien très étroit et surtout très rapide avec nos utilisateurs.

M.T : Beaucoup de praticiens éprouvent toujours une certaine appréhension à utiliser un ordinateur. Je ne parle pas de leurs techniciens …

A.V.M : Le Modem constitue pour eux une couverture, une assurance. Et ce sentiment est justifié.

M.T : Quelles sont les pannes que vous pouvez réparer par Modem ?

A.V.M : Un ordinateur est susceptible de poser problème à deux niveaux.

Premièrement, la machine elle-même peut tomber en panne. Dans ce cas, la présence d’un Modem ne sera d’aucun secours : sans ordinateur il ne fonctionne pas. Ce cas est devenu l’exception, les constructeurs étant arrivés à une excellente fiabilité du matériel.

Le deuxième scénario est plus fréquent. Le logiciel … et son utilisation sont aussi sujets à dysfonctionnement. C’est ici que le Modem prend toute son utilité.

En tapant un mot au clavier, vous initiez une communication rapide avec notre bureau. A partir de cet instant, nous prenons le contrôle de votre machine. Notre clavier agit comme s’il était branché en direct sur votre ordinateur et nous pouvons donc analyser et, très souvent, résoudre le problème immédiatement.

Il faut noter aussi que le Modem ne présente pas seulement des avantages en cas de panne mais constitue, par exemple, un moyen simple de modifier sur le champ les paramètres de travail. Nous pouvons également vous sortir d’un mauvais pas lors d’un éventuel " plantage " pendant les calculs ou gérer à votre demande l’archivage des dossiers. Enfin, c’est un moyen rapide pour vous envoyer les nouvelles versions du programme.

M.T : Quels sont les autres intérêts d'être équipé d'un modem ?

A.V.M : Un Modem correctement installé et configuré trouve beaucoup d’autres applications en dehors des logiciels MUMEDIA. La plupart permettent aussi le fax, c’est-à-dire la possibilité d’envoyer à partir d’un traitement de texte (" Word " par exemple) un courrier à un télécopieur quelconque. Je dis " quelconque " parce que de nombreux utilisateurs imaginent qu’il faut obligatoirement à l’autre bout un autre ordinateur. C’est une erreur, un fax n’étant jamais qu’un scanner équipé d’un Modem, le tout dans une jolie boîte munie d’un numéroteur !

M.T : Jusqu'où nous emmène le Modem ?

A.V.M : Si tu me permets … de rêver un peu maintenant, j’aimerais ajouter quelques considérations. Trop de gens sont mal informés sur les possibilités que leur offre l’informatique.

Le médecin est l’exemple type de l’utilisateur qui a tout à gagner à se tenir au courant des nouveaux moyens de communication, à emprunter les nouvelles " autoroutes de l’information ".

Je suis le premier à dire que dans de nombreux cas l’informatique à outrance ne facilite pas la vie. Elle reste lourde à manipuler et le rapport temps investi / résultat obtenu ne plaide pas toujours en sa faveur. Mais s’il est un secteur où elle devient irremplaçable, c’est bien la recherche, l’échange et la mise à disposition d’informations.

Un médecin consacre une part non négligeable de son temps à partager son expérience avec d’autres confrères. Les congrès, les publications ou autres réunions informelles sont les moyens classiques mis en œuvre. Les télécommunications offrent aujourd’hui d’autres facilités. Une ligne téléphonique est un moyen simple pour glaner partout dans le monde, immédiatement et à peu de frais, une somme d’informations qu’il aurait mis plusieurs semaines à récolter auparavant.

M.T : Qui n’a pas souhaité avoir à disposition un confrère pour conforter ou étayer un diagnostic ?

A.V.M : Mon rêve est donc celui-ci : je souhaiterais convaincre les médecins de consacrer davantage de leur temps à apprendre à manipuler ce nouvel outil qu’est Internet, qu’ils se débarrassent du préjugé que le " Net " est réservé aux " ados " pour " surfer " dans les " Cyber Cafés " !

Internet est un outil performant, pas un jeu ni une perte de temps. On peut y apporter autant que l’on en retire. C’est à double sens, interactif et rapide.

Nous en reparlerons.

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Le point sur l'échantillonnage

Michel Toupet interroge Pierre Vande Pitte

M.T : Pierre, peux-tu nous exposer le problème de l'échantillonnage en électrophysiologie ?

P.V.D.P : Les systèmes informatisés de recueil des signaux physiologiques nécessitent de par la technologie employée, l’échantillonnage du signal. L’ordinateur, par l’intermédiaire d’un système électronique approprié, va recueillir à intervalles réguliers la valeur d’un signal  et la transformer en une valeur numérique. On obtient ainsi une suite de nombres représentant l’évolution du signal dans le temps. La valeur de ce signal, en dehors des moments de l’échan-tillonnage, n’est pas connue. Néanmoins, lorsque l’on sait que le signal a une variation lente par rapport à la fréquence d’échantillonnage, on peut reconstituer le signal original sans perte notable d'information. La théorie nous apprend que nous ne pouvons pas mesurer des signaux dont la fréquence est supérieure à la moitié de celle de l’échantillonnage.

Dans le cadre des épreuves vestibulaires, nous recueillons un signal (le nystagmus) dont la fréquence dépasse rarement les 5 Hertz. Il en est autrement pour l’épreuve des saccades oculaires, puisque la vitesse de l’œil atteint 400 degrés par seconde pour une amplitude de 30 degrés. Dans ce cas, le mouvement complet d’une saccade peut ne durer que 20/100 seconde.

M.T : Quel est l'échantillonnage souhaitable en ENG ?

P.V.D.P : Dans le cas de l’ENG (ElectroNystagmoGraphie), le signal provient de l’amplification du potentiel électrique recueilli par des électrodes placées sur les tempes du patient. Le matériel actuel permet d’échantillonner facilement à de hautes fréquences et il est classique, en clinique, de travailler à 200 Hertz, soit 200 acquisitions par seconde. (En recherche, de plus hautes fréquences peuvent être utilisées, essentiellement en oculomotricité).

M.T : Et en VNG, qu'est-ce qu'on peut faire ?

P.V.D.P : En VNG (Video-NystagmoGraphie), la technique utilisée est toute autre : le signal provient de l’analyse d’une image de l’œil fournie par une caméra. La technologie video classique utilise des caméras qui fournissent 2 x 25 images par seconde, chacune de ces images ne comprenant que la moitié des lignes de l’image complète, soit une ligne sur deux.

Avec ce matériel, la fréquence d’échantillonnage est donc limitée à 50 Hertz. Dans la pratique, seuls les systèmes récents, comme le système MUMEDIA, travaillent à cette vitesse, les plus anciens étant limités, de par l'équipement utilisé, à 25 Hertz; la digitalisation d’une image et son analyse étant des processus extrêmement gourmands en temps de calcul.

Il est possible de travailler à de plus hautes vitesses, en utilisant une caméra à "reset". Il est possible, pour ces caméras, de commander extérieurement l’envoi d’une image, à intervalle plus court que le 1/50. Comme il faut toujours 1/50 de seconde pour le transfert d’une image complète, on ne reçoit alors que les premières lignes. (Par exemple en travaillant à 200 hertz, on n’utilise plus que le ¼ supérieur de l’image.) De plus, l’exposition étant diminuée, la qualité de l’image est nettement affectée. Le coût de ce type de caméra est évidemment sans commune mesure avec celui des caméras plus classiques.

Les résultats d’analyse de notre système de VNG à 50 Hertz ont été comparés à deux systèmes ENG : MUMEDIA et Nicolet. Les valeurs mesurées sont apparues semblables dans les deux technologies.

Si ceci était évident pour les épreuves "lentes", nous avons été confortés par les résultats obtenus dans l'épreuve des saccades, pour laquelle les vitesses calculées ont toujours été équivalentes à celles calculées par des systèmes à échantillonnage plus rapide.

La pratique et notre expérience montrent donc que, pour l'utilisation en examen clinique, tant en milieu hospitalier que privé, le rapport coût/performance reste clairement favorable à une VideoNystagmoGraphie à 50 Hertz. Le surcoût nécessaire pour l'utilisation de caméras à "Reset" ne nous paraît pas justifié.

M.T : Quelle est la politique d'avenir de MUMEDIA sur ce point ?

P.V.D.P : En se basant sur les principes d'acquisition actuellement utilisés, nous préférons développer, en collaboration avec les médecins, de nouveaux tests diagnostiques et augmenter les facilités et la souplesse d'utilisation.

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De nombreux praticiens estiment que l'apport diagnostique de l'analyse des saccades et de la poursuite oculaire chez les patients souffrant de troubles de l'équilibre est très faible.

Christian Van Nechel est l'un des meilleurs spécialistes de la question. Signal / Bruit l'a interrogé pour vous.

S/B : Devons-nous continuer à investir du temps à ces enregistrements ou comment pouvons-nous améliorer leur rendement diagnostic ?

C.V.N : Nous cherchons tous à optimiser le temps consacré aux examens techniques et donc la question préliminaire est effectivement pourquoi consacrer un peu de temps à cette évaluation ?

Les mouvements oculaires ne doivent pas être considérés uniquement comme l'intermédiaire obligatoire d'une grande partie de nos explorations vestibulaires. Leur place dans la mise au point de l'équilibre est nettement plus large. Dans notre vie journalière, seulement une minorité de nos mouvements de tête sont réalisés avec le regard fixé sur une cible immobile. Le plus souvent, nous réalisons des mouvements couplès de la tête et des yeux; la stabilisation de nos champs visuels dépend dès lors non seulement de l'intégrité des réflexes vestibulo-oculaires, mais aussi de la qualité des mouvements oculaires, qui doivent s'ajouter ou partiellement annuler la composante vestibulo-oculaire. La plainte fréquente d'instabilité (posturale ou de la perception de l'environnement) lors des mouvements de tête n'est donc pas le reflet exclusif d'une altération de la boucle réflexe vestibulo-oculaire.

Les mouvements oculaires sont de plus potentiellement très fragiles puisque les structures nécessaires à leur réalisation sont très largement disséminées dans les deux hémisphères et le tronc cérébral (figure 1). Toutes ces structures ne sont bien sûr pas utilisées lors de chaque mouvement oculaire. Il faudra dès lors définir un minimum de tests susceptibles de les évaluer. Dans ces conditions, l'exploration de mouvements oculaires devient un outil très sensible. Je ne connais que très peu de pathologies du système nerveux central supra-spinal qui n'altèrent pas les saccades oculaires1. Il faut parfois recourir à l'imagerie fonctionnelle si nous souhaitons confirmer une localisation neurologique suggérée par l'analyse des saccades. Ainsi, notre étude2 de 50 patients présentant des plaintes visuelles, et victimes d'un "coup du lapin", montre des anomalies des latences et de la précision des saccades chez plus de 90% de ceux-ci pour des cibles visuelles très brèves.

S/B : Pourquoi certains protocoles "standards" d'enregistrement des saccades sont-ils si rarement révélateurs d'anomalies ?

C.V.N : Les saccades oculaires sont les mouvements de l'homme les plus rapides et les plus précis. Les circuits neurophysiologiques mis en jeu pour les réaliser sont donc performants et, tout comme un sprinter n'est pas évalué par la qualité de sa marche, ce n'est pas en évaluant des saccades de 10° d'amplitude à 200°/sec. que nous pourrons juger de la qualité de ces circuits. Il faut tester le système des saccades à la limite de ses performances, c'est-à-dire là où il aura besoin de recruter la maximum de ses ressources pour assurer la précision et la vitesse. Nous cherchons aussi à lui laisser le moins de possibilités de correction pour que les défaillances éventuelles soient bien apparentes. La réalisation de saccades deviendra donc d'autant plus difficile que l'excentricité du stimulus est grande et son temps de présentation bref.

S/B : En pratique, quel serait pour toi le point méthodologique le plus important, qui devrait être vérifié en priorité et éventuellement adapté ?

C.V.N : Le point le plus déterminant est de tester des saccades de grande amplitude. Je vois trop souvent des saccades étudiées avec les points de fixation de la calibration. Les cibles visuelles destinées à la calibration doivent être proches, puisqu'elles sont destinées à mesurer des nystagmus de quelques degrés, et que la relation qui lie l'amplitude du signal à l'amplitude du mouvement oculaire n'est pas linéaire. Il faut donc utiliser d'autres cibles, par exemple 30° de part et d'autre du point de fixation central. Ces 30° restent dans les limites physiologiques des mouvements oculaires sans mouvement de tête et génèrent des saccades dont les vitesses maximales approchent les valeurs les plus élevées que puisse produire le système. Une telle amplitude exclue donc aussi l'utilisation d'un moniteur vidéo pour présenter les cibles visuelles. Le sujet devrait se trouver par exemple à 44 cm d'un écran de 64 cm de diagonale.

S/B : Peut-on dès lors, pour réduire la durée de l'examen, se limiter à l'enregistrement de saccades de 30° ?

C.V.N : Malheureusement non, mais nous reviendrons sur le problème de la durée de l'examen. La répétition de saccades de même amplitude améliore progressivement la qualité de celles-ci par un processus d'anticipation et d'apprentissage. Les défaillances initiales du système des saccades sont donc progressivement gommées. Il faut donc présenter plusieurs excentricités dans un ordre aléatoire.

S/B : Nous sommes déjà nombreux à utiliser des stimuli aléatoires et de grande amplitude sans pour autant arriver à des taux d'anomalies aussi élevés que ceux que tu obtiens dans ton étude des "coups du lapin". D'autres aspects méthodologiques interviennent-ils ?

C.V.N : Ce taux d'altération des saccades est bien sûr directement lié au type de patients étudiés. Néanmoins, la sensibilité du test peut encore être améliorée par la modification de la durée de présentation de la cible. Nous avons montré1 que dans de très nombreuses situations cliniques, l'utilisation de cibles brèves "flashées" améliore considérablement la détection des anomalies. Nous utilisons une durée habituelle de présentation des cibles de 1 seconde et des cibles très brèves de 10 msec. Ces dernières obligent le patient à réaliser des saccades vers des cibles qui ont déjà disparu au moment où commence seulement le mouvement oculaire. Elles ne lui permettent donc pas de corriger ses saccades au départ de l'information visuelle. Il ne pourra le faire que si la position de la cible a été correctement évaluée et mémorisée. Ces stimuli rendent les saccades beaucoup plus sensibles au versant perceptif de leur réalisation, par exemple, l'attention visuelle et le calcul de la position spatiale. Mais si dans ces conditions, des saccades successives de correction permettent d'aboutir à la position de la cible, c'est donc bien sur le flanc moteur de leur réalisation que se trouve le problème. Ainsi, les deux premiers tracés de la figure 2, illustrent des saccades droites et gauches déclenchées par des cibles visuelles de 1 seconde. Elles suggèrent une ophtalmoplégie internucléaire droite avec un ralentissement de la saccade d'adduction de l'œil droit ( première courbe du deuxième enregistrement) et un nystagmus transitoire de l'œil gauche en abduction (deuxième courbe du même enregistrement). L'utilisation de cibles brèves (deux enregistrements suivants) révèle en outre que toutes les saccades sont ralenties. Il ne s'agit donc plus d'une petite lésion limitée au centre de la jonction ponto-mésencéphalique mais bien d'une atteinte protubérantielle plus vaste expliquant la symptomatologie vestibulaire centrale.

S/B : Tout ceci sont des modifications de la méthodologie instrumentale, qui dépendent donc souvent d'un support technique. As-tu des suggestions concernant la démarche clinique du praticien ?

C.V.N : Un autre point important est, me semble-t-il, de regarder les tracés des enregistrements et les paramètres individuels des saccades. Le plus souvent, les éventuelles anomalies ne seront présentes que pour quelques saccades et en début de poursuite oculaire. Elles échapperont donc si les graphiques ne montrent que des valeurs moyennes. Par exemple, un patient cérébelleux réalisera très souvent des saccades dysmétriques, c'est-à-dire hypométriques (trop courtes) et hypermétriques (trop longues), dépassant la cible. La proportion des unes et des autres est très variable et la moyenne des amplitudes sera souvent dans les normes. C'est l'observation des tracés et particulièrement des saccades centripètes qui permettra de repérer ces hypermétries.

Enfin, les saccades verticales restent trop souvent inexplorées. Les techniques électro-oculographiques ne sont effectivement pas bonnes pour enregistrer ces mouvements verticaux, tandis qu'en vidéonystagmographie, la précision est équivalente pour les mouvements verticaux et horizontaux. Des anomalies de vitesse et de précision peuvent être limitées aux saccades verticales, notamment lors de lésions mé sencéphaliques, proches des voies cérébelleuses. Un bref test clinique, demandant au patient de regarder le plus rapidement possible entre nos deux index placés l’un au-dessus de l'autre permet rapidement d'estimer un ralentissement ou une limitation d'amplitude de ces saccades verticales.

S/B : Quel est l'impact de ceci sur la durée de l'examen ?

C.V.N : Le temps consacré à l'enregistrement des saccades est dérisoire par rapport aux épreuves vestibulaires. Nous avons observé qu'enregistrer 20 saccades (par exemple un mélange aléatoire de 4 saccades à 30°, 4 à 20° et 2 à 10° de chaque côté) suffisent, et que l'acquisition de 50 ou 100 saccades n'apporte pas d'informations significatives complémentaires. Une fois le système d'acquisition (ENG ou VNG) en place, l'enregistrement d'une série de 20 saccades ne dépasse pas deux minutes. Nous enregistrons systématiquement une série de 20 saccades pour des cibles présentées d'une seconde, puis une deuxième série avec des cibles de 10 msec.

La seule contrainte qui prend un peu de temps est de se constituer progressivement des normes spécifiques à chaque modalité de stimulation.

Références :

1. Van Nechel C., Sœur M., Cordonnier M., and Zanen A. Eye movement disorders after whiplash injury. In Gunzburg R. and Szpalski M. eds. Whiplash Injuries : current concepts in prevention, diagnosis and treatment of the cervical whiplash syndrome. Lippincott-Raven Publishers, Philadelphia, 1997.

2 Van Nechel C., Cordonnier M. Electro-oculography of saccades to flashed target. J. Neuro-Ophthalmol. 1991; 11(2):77-86.

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Les potentiels évoqués auditifs précoces : une nouvelle technique d'analyse

L’extraction des potentiels évoqués (PE) à partir d’un enregistrement d’électroencéphalogramme (EEG) a été le sujet d’intérêt d’un grand nombre d’équipes de recherche, en particulier en mode de stimulation auditive et visuelle. La technique la plus classique consiste à estimer le PE par l’accumulation des potentiels unitaires (PU). Cette estimation nécessite généralement plusieurs centaines de PU rendant ainsi l’identification très délicate principalement lorsque les hypothèses de stationnarité faites sur les PU et l’EEG ne sont pas vérifiées. En introduisant l’information a priori sur le processus, plusieurs techniques ont été proposées. Le filtrage de Wiener a été remarquablement utilisé dans [1] et [2], on peut citer également le filtrage adaptatif et le moyennage par correction de latences [3].

Malheureusement, lorsque il s’agit d’identifier un potentiel évoqué auditif du tronc cérébral (PEATC), la forme du stimulus n’est pas prise en compte puisque l'on considère souvent que le système auditif est excité par une impulsion acoustique parfaite. Comme il a été mentionné dans des travaux antérieurs [2], même si l’impulsion électrique utilisée pour exciter l’écouteur peut être facilement générée à très courte durée (centaine de µs), ceci n’est pas le cas pour l’impulsion acoustique (figure.1).

En effet, le stimulus n’est en réalité que la réponse impulsionnelle de l’écouteur, et la durée de l’impulsion acoustique peut atteindre quelques millisecondes en raison de la limitation en bande passante de l’écouteur. La cochlée sera donc en réalité stimulée pendant une durée bien déterminée et non pas instantanément. Cette durée ne peut pas être négligée devant celle d’un PEATC (5 ms pour un sujet sain).

Afin d’éviter la complexité de calcul due à la non-linéarité du système physiologique, ce dernier est approximé par un système linéaire. En intégrant de l’information a priori sur le PEATC, telle que la douceur temporelle ainsi que des informations statistiques sur l’EEG, nous avons appliqué une technique de déconvolution adaptative sur un signal obtenu en moyennant seulement quelques PU et après avoir enlevé la régression. Les détails techniques sont donnés dans [4].

Dans un premier temps, nous avons appliqué cette technique sur un modèle non bruité de PEATC introduit dans [2], puis sur le même ‘template’ contaminé par un EEG réel (SB=-4dB) (voir figures 2 et 3). Avec les résultats obtenus, on constate que la technique de déconvolution donne non seulement une bonne estimation du signal mais également permet de distinguer le complexe IV/V en deux ondes. Ce résultat nous laisse penser que la formation du complexe est initialement due à un recouvrement des deux ondes en raison de leur apparition à des instants très voisins. Finalement, nous concluons que l’intégration de la réponse impulsionnelle pour l’identification des PEATC constitue un outil puissant et encourageant dans cet axe de recherche.

Références :

[1] V. Albrecht, P. Lansky, M. Indra, T. Radil-Weiss, "Wiener Filtration versus Averaging of Evoked Responses", Biol. Cybernetics 27., pp.147-154, 1977.

[2] J.F. Motsch, "La Dynamique Temporelle du Tronc Cérébral", Thèse de Doctorat d'état es sciences, Université Paris 12, France, Juin 1987.

[3] J. Robert Boston, "Spectra of Auditory Brainstem Responses an Spontaneous EEG", IEEE Trans. Biomed. Eng., vol. 28 no. 4, pp. 334-341, Apr. 1981

[4] A. Naït-Ali, O. Adam, J-F. Motsch, " The brainstem auditory evoked potentials estimation using a bayesian deconvolution method ", in proc, IEEE-EMBS, Amsterdam, 1996

Amine NAIT-ALI

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Présentation de l'équipe TSIM

L'équipe de recherche Traitement du Signal et Instrumentation Médicale (TSIM) dirigée par le Professeur JF.Motsch constitue l'une des 4 divisions du Laboratoire d'Etude et de Recherche en Instrumentation, Signaux et Systèmes (LERISS), dirigé par le Professeur Maurice Gaudaire, de l'Université Paris 12-Val de Marne. Actuellement, elle est constituée de 3 enseignants-chercheurs permanents et de 3 étudiants en thèse. Les thèmes de recherche développés concernent l'exploration fonctionnelle en otoneurologie et principalement : les potentiels évoqués auditifs et l'équilibre. Ces axes englobent différents domaines scientifiques dérivés entre autres de l'électronique, de l'informatique et de l'instrumentation. Il s'agit notamment d'assurer le développement et la mise au point de cartes électroniques, de traiter les signaux recueillis et d'en extraire l'information utile et de concevoir une aide au diagnostic.

En ce qui concerne les potentiels évoqués auditifs, les 3 objectifs majeurs de ce thème sont la détection, l'analyse et l'interprétation de ces potentiels.

A. Nait-Ali a proposé une méthode optimale destinée à s'affranchir des perturbations provoquées notamment par la résultante des potentiels évoqués précédents (ondes tardives) et à réduire par conséquent le nombre d'accumulations nécessaires au moyennage. Il a comparé et critiqué sa technique par rapport à celles existantes à partir de tests effectués actuellement sur des signaux simulés. Une étude prochaine, en collaboration avec le CREFON, visera à confirmer les encourageantes performances obtenues sur des signaux réels.

P. Karasinski s'intéresse à l'amélioration même de la stimulation. Il a pour charge l'élaboration d'un système de stimulation optimisé (IPA) qui permet d'obtenir une impulsion de pression acoustique sur le tympan. Cette stimulation permettra d'obtenir une véritable identification des structures cérébrales excitées, notamment grâce à l'expérimentation animale, afin de mettre en évidence les liens entre les PEA et les structures anatomiques qui les produisent. Parallèlement, nous avons présenté également une approche basée sur la modélisation du système physiologique et utilisé la technique de déconvolution adaptative pour l'estimation des PEA.

Le second objectif correspond à l'extraction des potentiels auditifs du signal électrique recueilli aux électrodes constitué pour une large part de bruits. Deux approches ont été étudiées. D'une part, A. Nait-Ali a amélioré la technique classique basée sur le moyennage de plusieurs accumulations de ces signaux bruités. La méthode appelée multi-résolution (MPM) fait intervenir un découpage temporel des signaux destiné à s'affranchir des zones où le bruit est plus nettement présent et, par conséquent, à tendance à déteriorer l'information acquise par moyennage. La validation de cette technique par une exploitation de signaux acquis in situ se fera en collaboration avec le CREFON.

C. Blanchard a adapté la Dynamique Temporelle du Tronc Cérébral (DTC) afin de pouvoir analyser les potentiels évoqués auditifs de façon continue. Cette méthode a pour intérêt de rendre compte en temps réel de l'évolution des potentiels. Elle permet notamment de renseigner le chirurgien au cours d'une intervention et sur la conséquence des gestes qu'il entreprend. Cette approche a donc un avenir très prometteur en utilisation pour le diagnostic per-opératoire, la réanimation et la surveillance néonatale.

Enfin, le troisième objectif de notre équipe de recherche concerne le développement d'un système informatique dedié à l'aide au diagnostic médical. Menée en collaboration avec les praticiens, cette étude commencera par déterminer les informations pertinentes des PEA pour une classification des pathologies. Avec la participation de V. Amargé, enseignant-chercheur à l'IUT de Melun-Sénart, O. Adam propose notamment une approche à base de réseaux de neurones artificiels. Suivant les résultats, nous pensons introduire ce module dans un logiciel complet pour l'examen oto-neurologique, prenant en compte, non-seulement les informations liées aux PEA, mais aussi celles provenant d'autres examens médicaux.

Olivier ADAM

Patrick KARASINSKI.

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MUMEDIA sur INTERNET

Le succès sans cesse grandissant des réunions des Utilisateurs du matériel MUMEDIA nous a fait réfléchir sur les façons de laisser une " trace " plus concrète des sujets abordés.

Ce premier numéro de Signal / Bruit constitue le premier pas. Il fait appel à une technique simple, l’imprimerie.

Nous nous sommes dit également que les centres d’intérêt devaient être très différents pour chaque Utilisateur. La première distinction apparaît déjà entre VNG et PEA. En VNG encore, certains poussent les choses plus loin et s’occupent aussi d’oculomotricité, d’autres ne pratiquent que les épreuves vestibulaires.

Comment faire parvenir à chacun l’information dont il a besoin, sans l’encombrer d’articles fort intéressants mais peu ciblés ?

Nous avons donc décidé de mettre à votre disposition un site INTERNET.

Celui-ci comporte plusieurs rubriques.

Une de ces rubriques est évidemment la revue Signal / Bruit elle-même. Chacun peut donc consulter les articles qui l’intéressent et même les imprimer à domicile, juste les pages nécessaires.

Une rubrique est également réservée aux articles que vous pourriez publier sur le site. Beaucoup d’entre vous diffuseraient de petits articles s’ils avaient un moyen simple, peu onéreux (gratuit !), rapide à leur disposition. Ce moyen existe, c’est INTERNET.

Mais pour moi, la possibilité la plus importante que vous offre le site, c’est l’existence d’un Forum. Qu’est-ce que c’est ?

C’est en quelque sorte un groupe de travail, dont vous faites partie en temps qu’Utilisateur. Chacun, au départ de son bureau, peut accéder à un espace de travail commun. Il vous est loisible de consulter son contenu, mais il est surtout interactif. Vous pouvez y déposer des questions ou des messages destinés à tout le groupe. Et les autres peuvent vous répondre, publiquement, ou dans une boîte aux lettres " privée ".

Tous ces nouveaux concepts que nous venons de schématiser peuvent paraître étranges à plusieurs d’entre vous. N’est-ce pas une profonde modification de notre façon de faire ? Est-ce aussi facile qu’on le prétend ? Est-ce fiable ? Ne vais-je pas perdre de temps plutôt que d’en gagner ? Et est-ce bien nécessaire tout cela ?

Toutes ces questions appellent des réponses précises que nous pouvons vous fournir. C’est pourquoi nous avons décidé de faire, dans le courant du mois de décembre, une sorte de " formation à INTERNET "; non pas une formation globale, mais bien une démonstration précise, ciblée sur votre profession, avec des exemples réels des moyens offerts par une connexion.

Il faut évidemment que vous disposiez d’un accès INTERNET, c’est-à-dire d’un Modem, d’un logiciel adapté et d’un abonnement auprès d’un pourvoyeur de services. Là aussi, nous vous transmettrons dans les jours à venir de plus amples informations (que ne ferait-on pas pour vous ? !).

Alain VAN MALDEREN

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