L'OCULOGRAPHIE PAR CAMERA RAPIDE

DANS LE DIAGNOSTIC DES VERTIGES.

Ch. VAN NECHEL.

Unité Trouble de l'équilibre et Vertiges, CHU Brugmann, Bruxelles Unité de Neuro-Ophtalmologie, CHU Erasme, Bruxelles IRON, Paris.

 

L'interrogatoire et l'examen clinique, y compris la vidéoscopie, restent les étapes prioritaires de la mise au point d'un syndrome vertigineux. Les épreuves caloriques et rotatoires sont déterminantes pour objectiver la défaillance des réflexes vestibulo-oculaires, particulièrement lors d'atteintes des canaux semi-circulaires horizontaux. Néanmoins, elles ne sont pas les plus aptes à objectiver une lésion vestibulaire centrale. Dans ce rôle, les épreuves oculographiques les supplantent, pour autant que les méthodologies et techniques utilisées permettent des analyses précises des résultats obtenus dans des conditions de stimulation suffisamment exigeantes.

Ce n'est pas souvent le cas aujourd'hui mais des outils de VNG plus performants pour les épreuves oculographiques, et de prix abordable sont actuellement disponibles.

Les tests oculographiques utilisés dans la pathologie oto-neurologique évaluent les structures neurologiques impliquées dans la genèse de la poursuite et des saccades, qui sont proches, voire pour certaines communes, au système vestibulaire. Ainsi le cervelet médian, les pédoncules cérébelleux, le faisceau longitudinal médian, certaines composantes des noyaux vestibulaires et des noyaux voisins de ceux-ci sont communs au système vestibulaire et au système oculomoteur.

La réalisation des saccades oculaires, mouvements très rapides (jusqu'à 600°/sec. pour des saccades de 30°), précis, et couplés entre les deux yeux, fait appel aux plus hautes performances des circuits neuronaux. Ce n'est donc pas en évaluant des saccades de 10° d'amplitude à 200°/sec. que nous pourrons juger de la qualité de ces circuits. Il faut tester le système des saccades à la limite de ses performances, c'est-à-dire là où il aura besoin de recruter le maximum de ses ressources pour garantir la précision et la vitesse. Il faut donc disposer d'un outil capable d'analyser cette vitesse maximale et la précision des saccades ou de leurs corrections éventuelles.

Les systèmes de vidéonystagmographie les plus répandus jusqu'ici, acquièrent un nombre insuffisant d'images chaque seconde (au mieux une image toutes les 20 msec.) pour connaître la vitesse maximale des saccades, atteinte brièvement au milieu d'une saccade qui dure environ 60 msec.

Ils ne fournissent donc qu'une valeur moyenne extrapolée au départ des 3 ou 4 points connus de la position de l'œil en cours de saccade. Or, le premier paramètre des saccades altéré en cas d'atteinte des circuits oculomoteurs du tronc cérébral est la vitesse maximale, qui ne peut être atteinte que lorsque un nombre suffisant de neurones et de motoneurones ont pu être recrutés.

La sensibilisation des épreuves oculographiques peut aussi être améliorée par une meilleure gestion des stimuli. Nous pouvons chercher à laisser au système nerveux le moins de possibilités de correction pour que les défaillances éventuelles soient révélées. Ceci pourra être réalisé via la présentation de stimuli très brefs (moins de 30 msec.) ou d'une séquence de deux cibles visuelles distinctes séparées de quelques dizaines de millisecondes.

Cette amélioration des épreuves oculographiques ne prolonge guère l'examen car le temps consacré à l'enregistrement des saccades est dérisoire par rapport aux épreuves vestibulaires.

La réalisation de saccades correctes deviendra donc d'autant plus difficile que leur vitesse (dépendante de l'excentricité du stimulus) est élevée et que le temps de présentation de la cible est bref.

Deux types d'anomalie des saccades oculaires prennent une signification tout à fait particulière dans un contexte de vertiges. Ce sont les hypermétries des saccades et le ralentissement des saccades horizontales ou verticales.

Si des dysfonctionnements à plusieurs niveau de la programmation de saccades peuvent induire des saccades hypométriques, l'hypermétrie est quasi spécifique de lésions du système cérébelleux vermien. D'autres structures cérébelleuses médianes assurent le contrôle de l'efficacité des réflexes vestibulo-oculaires et jouent un rôle essentiel dans l'équilibration. La découverte de saccades hypermétriques dans un contexte de vertiges ou de troubles de l'équilibre suggèrent donc fortement la présence d'un syndrome cérébelleux.

Pour des raisons mécaniques au sein de l'orbite, la probabilité de mettre en évidence des saccades hypermétriques est deux fois plus grande lorsqu'on teste la précision de saccades centripètes, c'est-à-dire partant de la périphérie pour s'arrêter en position primaire. Ces hypermétries sont aisément identifiables sur des enregistrements des saccades oculaires pour autant que l'amplitude des saccades soit suffisante et variable afin d'éviter l'amélioration de la précision par la répétition de saccades de même amplitude.

L'ophtalmoplégie internucléaire (figure 1 ci-dessous) résulte d'une lésion des connexions croisées entre les noyaux VIII, VI et III. Le tableau clinique va du simple ralentissement à la paralysie complète de l'adduction non nécessairement associée à un nystagmus de l'œil en abduction. Les plaintes comportent parfois une diplopie maximale dans le regard controlatéral mais peuvent se limiter à une instabilité visuelle lors des mouvements de tête ou des changements de fixation.

Un ralentissement important conjugué uni-directionnel des saccades est le témoin d'une lésion nucléaire du VI ou d'une lésion pré-nucléaires: formation réticulée pontique paramédiane. Les lésions nucléaires du noyau du VI sont responsables d'une paralysie du regard puisque ce noyau est également le point de départ des axones stimulant les motoneurones du droit interne controlatéral. Ce noyau du VI est très proche des noyaux vestibulaires.

Un ralentissement conjugué bi-directionnel signe souvent des lésions souvent diffuses impliquant au moins le tronc cérébral et/ou le diencéphale.

Un syndrome otolithique par lésion centrale est souvent associé à une lésion située dans la région sous-thalamique d'un ou des deux côtés du troisième ventricule et descendant jusqu'au mésencéphale. C'est cette extension mésencéphalique qui sera responsable du syndrome otolithique associé dans ce cas à un autre signe clinique aisément identifiable : le ralentissement des saccades verticales sans aucune anomalie des saccades horizontales. Des lésions de même topographie mais d'une autre nature induiront le même ralentissement des saccades verticales. De telles lésions seront retrouvées dans des affections dégénératives (maladie de Steele-Richardson ou paralysie supra-nucléaire progressive) ou des tumeurs médianes comprimant ou envahissant le tegmentum mésencéphalique.

 

 

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